Nous évoquions dans la lettre de Wizi du 20 novembre 2022 la proposition de loi du député Kasbarian visant à changer les règles relatives au traitement des impayés de loyers et des expulsions locatives, dans l’objectif de « protéger les logements contre l’occupation illicite ».
Présentée comme moyen d’accélérer le traitement des expulsions locatives et de rééquilibrer les peines encourues par un squatter et un propriétaire tentant de reprendre par la force possession de son bien squatté, la proposition de loi a soulevé de nombreuses protestations d’organisations de défense des locataires car accusée de ne pas suffisamment distinguer un squatter d’un locataire en situation d’impayés de loyer.
De la prison pour des locataires en impayés ?
Jusqu’à aujourd’hui un squatter encourait une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende pour occupation illicite du logement alors que le propriétaire « gros bras » risquait jusqu’à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ! Plutôt injuste non ?
La proposition de loi proposait donc d’ajuster les peines pour que le squatter soit autant punissable que le propriétaire « hors la loi ». Mais elle imaginait également une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende contre un locataire en procédure d’impayés, s’il existait une décision de justice définitive et exécutoire de quitter les lieux (avec un délai de deux mois), ... et s'il refusait !
La détresse de propriétaires squattés ayant fait la une de la presse ces derniers mois, l’idée d’une peine de prison plus forte pour des squatters n’a pas ému l’opinion publique, mais imaginer des locataires en situation d’impayés menacés de prison s’ils n’obtempèrent pas à un commandement de libérer les lieux (car parfois sans solution de relogement) a jeté un froid !
Un projet de loi qui évolue
La proposition de loi a malgré tout été adoptée en première lecture le 2 décembre 2022 à l’Assemblée nationale, puis transmise au Sénat qui l’a examinée dès le 31 janvier 2023.
Le texte a également été adopté par le Sénat avec toutefois une adaptation pour distinguer clairement la situation du squatter de celle du locataire en difficulté. Ainsi, si le locataire se maintient dans les lieux malgré la décision d’expulsion, il ne risque que la peine d’amende proposée par le texte initial. Pas de prison pour un locataire en difficulté de paiement !
En revanche on peut s’interroger sur le caractère dissuasif d’une amende qui ne fera qu’augmenter une dette déjà constituée par les loyers impayés ? Si le locataire est déjà en incapacité de solder sa dette locative que risque-t’il de plus ?
Sujet non clos ?
Le texte va maintenant revenir sur le bureau de l'Assemblée nationale. Mais gageons qu’il n’a pas fini de déchaîner les passions entre ceux que l’idée de « criminaliser » des locataires révulse et ceux qui estiment aussi coupable qu’un squatter le locataire qui se maintient dans les lieux en ignorant une décision de justice, alors qu’il ne possède plus de droit ni de titre et occupe donc illégalement le bien.
Affaire à suivre !