Le 28 novembre sera débattue à l’assemblée nationale une proposition de loi portée par le député Renaissance Guillaume Kasbarian et prévoyant de changer les règles relatives au traitement des impayés de loyers et des expulsions locatives, dans l’objectif de « protéger les logements contre l’occupation illicite ».
Mais toucher à l’équilibre actuel entre droits des bailleurs et des locataires (même s’il ne satisfait personne !) est sensible d’autant que le texte penche largement en faveur des droits des bailleurs puisqu’il ambitionne de rééquilibrer la balance, mais à leur profit.
Une situation électrique
Tout d’abord ce projet ne peut surprendre car, depuis quelques mois, la chronique se fait l’écho de nombreuses situations de propriétaires modestes victimes d’occupations abusives (squats) ou de situations d’impayés, en difficulté et sans recours devant une législation et une justice incapables de corriger certains excès.
Comment ne pas s’indigner, par exemple, qu’un squatter encoure une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende alors qu’un propriétaire, qui se risquerait à l’expulser personnellement sans avoir recours à la force publique, risque lui jusqu’à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ?
Mais comment également accepter qu’une situation d’impayé demande jusqu’à 2 ans avant que le bailleur ne puisse réoccuper son logement ou le relouer … s’il a la chance qu’il soit encore habitable, et en faisant l’impasse sur ses loyers en souffrance et ses frais de justice ?
A l’opposé le coût exponentiel de l’énergie et l’inflation en général commencent à grever grandement le budget de ménages modestes dont, pour beaucoup, le loyer constitue la charge la plus importante. Et, même si l’augmentation des loyers est contenue (zones tendues, plafonnement de l’IRL à 3,5%, …), l’augmentation des charges locatives est inéluctable.
Il faut donc s’attendre (et la récession qui s’annonce devrait l’amplifier !) à une augmentation des impayés de loyers avec son cortège de situations conflictuelles allant jusqu’à l’expulsion.
Des dispositions contestées
Le texte propose de créer un « délit d'occupation sans droit ni titre, en violation d'une décision de justice, du logement d'autrui » qui permettrait au propriétaire d'un bien immobilier d'attaquer en justice un occupant qui se maintient illégalement dans les lieux.
En ce qui concerne précisément les squats il est envisagé de rééquilibrer les peines encourues par l’occupant illégal et par le bailleur qui l’expulserait personnellement ou même, selon un amendement déjà prévu, d’inverser les peines !
Raccourcir les délais des procédures judiciaires, revoir les mécanismes d’expulsion en cas d’impayés, ou encore rendre obligatoire dans le bail la clause de résiliation permettant de mettre fin automatiquement au bail en cas de loyers impayés sont d’autres mesures inscrites dans le texte.
Et, toujours dans l’objectif d’accélérer la procédure contentieuse, le pouvoir des juges d’accorder des délais d’exécution, pour apurer la dette par exemple, serait amoindri, ce qui ouvrirait la voie à une forte accélération des expulsions.
La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) a qualifié cette initiative « d’amorce de rééquilibrage au profit des propriétaires, jusqu’ici fortement lésés » en rappelant que « les propriétaires bailleurs sont également des gens modestes, à 30 % non imposables ».
En contrepoint un collectif réunissant notamment la Fondation Abbé Pierre, Droit au Logement, ATD Quart-Monde, Attac, et la Confédération nationale du logement dénonce « une criminalisation des locataires en difficulté et des squatteurs de logements vides », malvenue en ces temps d’inflation et de perte de pouvoir d’achat.
De rudes échanges en vue !
Il est bien difficile à ce jour de prévoir ce qui accouchera de cette proposition de loi car elle touche à un sujet extrêmement clivant où les visions du nécessaire rééquilibrage entre bailleurs et locataires sont diamétralement opposées.
Le nombre d’amendements qui modifieront le texte s’annonce donc volumineux, l’arène politique sera surchauffée, mais beaucoup s’accorderont pour reprocher au texte initial de ne pas distinguer clairement les squatteurs et les personnes se trouvant en incapacité de payer leur loyer.
Affaire à suivre !